Lancé en début d’année 2024, la décision de Brigitte Fouré, maire d’Amiens, de mettre en place un « Plan pouvoir d’achat » pour soutenir les Amiénois les plus fragiles soulève quelques questions quant aux motivations et à la pertinence d’une telle initiative à l’échelon municipal.
Une réponse à une préoccupation majeure des citoyens
Il est indéniable que le pouvoir d’achat reste au cœur des préoccupations des Français. Selon un récent sondage Elabe, 45% des électeurs citent le pouvoir d’achat et l’inflation comme l’une des trois principales motivations de leur vote. Face à cette réalité économique difficile, avec 32 000 Amiénois vivant sous le seuil de pauvreté, la volonté d’agir de la municipalité peut sembler légitime à première vue.
Un empiètement sur les compétences de l’État et du département
Cependant, cette initiative soulève des interrogations quant à la répartition des compétences entre les différents échelons de l’administration. Traditionnellement, la lutte contre la pauvreté et le soutien au pouvoir d’achat relèvent principalement de l’État et des départements. L’État, à travers ses politiques nationales, joue un rôle central dans la redistribution des richesses, tandis que les départements ont la charge de l’action sociale, notamment via le versement du RSA. Dans ce contexte, on peut légitimement se demander si l’initiative de la maire d’Amiens ne risque pas de créer une confusion des rôles et une dispersion des moyens. N’y a-t-il pas un risque de doublonner avec des dispositifs déjà existants au niveau national ou départemental ?
Une stratégie électorale à l’approche des municipales ?
À 18 mois des prochaines élections municipales, il est difficile de ne pas imaginer dans cette initiative une potentielle manœuvre électoraliste. En s’emparant d’un sujet qui préoccupe fortement les citoyens, Brigitte Fouré pourrait chercher à consolider sa base électorale et à se positionner comme une maire à l’écoute des difficultés de ses administrés.
Les limites de l’action municipale
Il convient également de s’interroger sur la capacité réelle d’une municipalité à agir efficacement sur le pouvoir d’achat de ses administrés. Les leviers dont dispose une ville sont limités, tant sur le plan financier que sur le plan légal. Ne risque-t-on pas de créer des attentes que la mairie ne pourra pas satisfaire sur le long terme ?
Recentrer l’action municipale sur ses prérogatives
En définitive, si l’intention de soutenir les Amiénois en difficulté est louable, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle initiative à l’échelle municipale. Il semblerait plus judicieux pour la mairie de se concentrer sur ses prérogatives propres. L’amélioration du cadre de vie, le développement économique local, ou encore l’optimisation des services du CCAS sont autant de leviers qui pourraient indirectement, mais efficacement, contribuer à améliorer la situation des Amiénois les plus fragiles. En se recentrant sur ces missions, la municipalité pourrait agir de manière plus cohérente et durable, sans risquer d’empiéter sur les compétences d’autres échelons administratifs ou de tomber dans une forme de clientélisme électoral. Dans un contexte politique tendu, il est crucial que chaque niveau de gouvernance reste dans son rôle pour garantir une action publique efficace et lisible pour les citoyens.